Domaine de la Mazeraie

Alexia Triquet

Lauréat dans la catégorie 1 - Projet rural et environnemental

Territoire : Tours métropole Val de Loire

Quand le noble-joué renoue avec son terroir ancestral

Entre Joué et son vin éponyme, une vieille histoire s’est écrite au fil des temps jusqu’au funeste phylloxera. Et c’est au lieu-dit la Mazeraie que les archives situent l’un des plus anciens domaines viticoles de Gaule. Le manoir était en piteux état et la plupart des dépendances à l’état de ruines lorsque Alexia Triquet et son mari en sont devenus propriétaires en 2011.

 

Depuis quinze ans, ils ont fait feu de tout bois pour redonner vie au site, aménageant leur maison, les dépendances mais aussi des gîtes, une salle de réception ; semant des prairies pour les chevaux et …replantant de la vigne. Car séduite par l’histoire du manoir et la commune la plus viticole de Touraine au 19ème siècle, Alexia a trouvé là une nouvelle manière d’employer son énergie positive. « Quitte à restaurer la Mazeraie, autant lui rendre sa vocation viticole » explique celle qui continue de manier le mortier de chaux pour jointoyer encore quelques murs.

 

Encadrée au départ par un vigneron de l’appellation, Jérémy Pierru et un œnologue de la Chambre d’agriculture, Nicolas Pichard, elle apprend pas à pas la culture des vignes, la vinification et l’élevage du vin. Suite à une première plantation de 38 ares de pinot gris en 2019, le clos de la Mazeraie s’agrandit de 30 ares de pinots noir et gris en 2021. Le pinot gris est roi dans cet univers tellurique argilo-limoneux. Quelques siècles après la table de Louis XI à Plessis-Lès-Tours, c’est Paris qui a plusieurs fois célébré la malvoisie jocondienne par des médailles au Concours Général. « Ce terroir d’exception est conduit en agriculture biologique depuis l’année de sa replantation dans un environnement d’agroforesterie » tient-elle à préciser. Hippophile, c’est tout naturellement qu’Alexia a choisi le cheval pour cultiver le clos afin d’éviter le tassement du sol. Mais à la chute des feuilles, c’est une petite troupe de brebis qui a pour mission de tempérer l’exubérance de la flore printanière, des solognotes retirées juste avant le débourrement.

 

Quand en 2023 Jérémy Pierru cesse de cultiver les vignes municipales de la Liodière à 500 m de là, Alexia candidate. Le vigneron accompli l’épaule dans la reprise de ce beau terroir argilo-calcaire. Trois hectares investis depuis douze ans par le trio géniteur du noble-joué, les pinots meuniers, gris et noir. Dans la foulée, Alexia a installé son chai à la Mazeraie en reprenant matériel et stock du cédant. « En 2024, je suis passée d’un petit millier de bouteilles à 22 000 cols à mettre en marché ». Une transition brutale qui la précipite tout de go dans la commercialisation. Créer une clientèle diversifiée est une tâche de longue haleine. Un challenge qui n’effraie pourtant pas la viticultrice rompue au commerce international, sa formation de base.

 

A ce nouveau défi s’ajoute une autre entreprise, la renaissance du terroir chambraisien de la Borderie. Plantées sur argile à silex en 1977, ces vignes communales cinquantenaires y supportent mal les sautes d’humeur d’un climat devenu versatile. L’option arrachage et replantation des trois cépages avec des portes greffes adaptés à l’évolution du climat est à l’étude et des pourparlers de reprise par Alexia Triquet sont en cours.

 

Rosé gris estival par excellence, le noble-joué fort de ses séduisants arômes primaires n’est pas conçu pour le temps long. C’est pourquoi, au côté du pinot gris, cépage phare des jocondiens et majestueux liquoreux, Alexia porte une attention tout particulière au pinot noir de la Mazeraie, fraichement planté. En troisième feuille, elle se fait fort de le vinifier pour la garde, à la mode bourguignonne, avec l’appui éclairé de son œnologue… chinonais comme c’est déjà le cas avec quelques rangs de la Liodière. Dans cette autre vigne où les raisins sont en majorité destinées à l’assemblage noble-joué, une cuvée blanc de noirs est conçue chaque année. Un vin de base façonné méthode traditionnelle mariant le pinot noir au meunier, clin d’œil au champagne. « En achetant la Mazeraie, je n’aurais jamais imaginé devenir vigneronne 15 ans plus tard, mais le chantier du bâti est désormais quasi terminé. Le métier de la vigne et du vin m’offre une nouvelle opportunité créative. »

 

 

Rédaction : Philippe Guilbert